L’instabilité économique est le plus grand élément déclencheur de risques liés à la responsabilité civile des administrateurs et des dirigeants : conseils pour garder le contrôle

Juge utilisant son maillet

Entre le troisième et le quatrième trimestre de 2023, le nombre d’entreprises canadiennes qui ont déposé une requête en insolvabilité a connu une hausse de 35 % — du jamais vu en 13 ans*. Même si la situation s’est stabilisée depuis, l’Association canadienne des professionnels de l’insolvabilité et de la réorganisation rapporte que le nombre de dossiers d’insolvabilité déposés demeure élevé par rapport aux chiffres répertoriés avant la pandémie*.

Les administrateurs et les dirigeants d’entreprises, qui doivent maintenir les activités dans cette conjoncture économique, doivent également rendre davantage de comptes. Les entreprises doivent donc s’attarder aux risques liés à la responsabilité civile (RC) des administrateurs et des dirigeants.

Rissa Revin, gestionnaire principale à l’indemnisation, Assurance des risques financiers, Aviva Canada, a analysé cet enjeu important dans le cadre de la conférence RIMS Canada de 2025.

« Les faillites surviennent en raison de l’instabilité économique, ce qui expose les administrateurs et les dirigeants d’entreprises à des risques. Sans assurance appropriée, ces administrateurs et dirigeants ou leur entreprise sont vulnérables », selon Mme Revin.

Voici donc certains points à retenir pour comprendre l’approche des entreprises face aux risques liés à la RC des administrateurs et des dirigeants.

Le cas de Flywire : une leçon de prudence en matière de gestion des risques pour les administrateurs et les dirigeants

En janvier 2024, le gouvernement canadien a annoncé qu’il limiterait le nombre de permis d’étudiants internationaux, ce qui est venu réduire considérablement le nombre d’étudiants étrangers à entrer au pays.

Pour l’entreprise Flywire, qui exploite une plateforme pour faciliter les paiements en devises, cette annonce signifiait potentiellement une énorme perte de revenus. Étant donné que le secteur le plus prisé de l’entreprise est celui des étudiants, l’entreprise dépendait des abonnements internationaux pour générer des revenus.

Même si les administrateurs et les dirigeants de Flywire étaient au courant de cette menace, ils n’ont pris aucune mesure. De plus, ils n’ont pas alerté le conseil d’administration ni leurs investisseurs. Résultat? Le cours de l’action de l’entreprise a fini par connaître une baisse de près de 38 %*.

Une action collective a été intentée aux États-Unis contre Flywire par les investisseurs de celle-ci. Ils alléguaient que l’entreprise « prétendait toujours que la croissance des revenus et la situation financière de Flywire étaient durables, tout en sous-estimant les répercussions négatives et prévisibles des limites de permis et de visas sur les activités de l’entreprise. »

« Ce cas est important parce qu’il est très concret. Ce genre de revirement inattendu peut se produire au sein de n’importe quelle entreprise », souligne Mme Revin.

Leçons à tirer du cas de Flywire

Mme Revin tire de ce cas des éléments clés qui pourraient permettre aux entreprises canadiennes de comprendre les risques liés à la RC des administrateurs et des dirigeants.

L’importance d’une divulgation proactive

Malgré le fait qu’ils étaient au courant de la décision du gouvernement de limiter le nombre d’étudiants internationaux, les administrateurs et les dirigeants de Flywire n’ont fourni aucune explication à ce sujet et n’ont pas pris l’initiative de divulguer les difficultés financières que ces limites pourraient engendrer.

« Si les revenus de l’entreprise dépendent du nombre d’étudiants étrangers et que ce nombre diminue, la situation est urgente. Les administrateurs et les dirigeants de Flywire auraient dû immédiatement demander de l’aide, prendre des mesures pour modifier le modèle d’affaires, retenir les services d’un négociateur pour entamer des pourparlers avec le gouvernement, et signaler ce risque au conseil d’administration et aux investisseurs », selon Mme Revin.

« Personne n’était au courant de rien jusqu’à ce que le bateau prenne l’eau. Il était alors trop tard pour redresser la situation, ou pour stopper l’hémorragie et tomber en mode survie. »

Les changements de politique constituent des risques stratégiques

À l’heure actuelle, les tensions sur le plan géopolitique, y compris les conflits, les sanctions commerciales et les changements dans les alliances, transforment les pratiques et les politiques gouvernementales sur plusieurs fronts, dont l’immigration et la mobilité à l’échelle mondiale. Pour une entreprise comme Flywire, cette situation constitue un risque considérable.

Lorsque les entreprises sont conscientes du contexte dans lequel elles doivent exercer leurs activités, elles peuvent faire pression sur les gouvernements, élaborer des plans d’urgence, diversifier leurs opérations adéquatement et comprendre les forces et les faiblesses de leur offre sur le marché.

La gestion de la réputation : un élément crucial

Même si les changements ayant entraîné la baisse du cours de l’action de Flywire ont été faits par le gouvernement, c’est l’entreprise qui doit en gérer les contrecoups, ainsi que l’action collective intentée contre elle.

La poursuite intentée au nom des investisseurs de Flywire contre l’entreprise et certains de ses administrateurs et dirigeants alléguait qu’« une part importante des déclarations rendues publiques par la partie défenderesse étaient fausses et trompeuses à tout moment pertinent*. »

En ne prenant pas l’initiative de régler le problème rapidement, l’entreprise et ses administrateurs et dirigeants ont terni leur réputation.

Les sinistres en assurance spécialisée connaissent une lente progression

Mme Revin souligne l’importance de prendre conscience des délais inhérents en matière de résolution des sinistres en assurance de la responsabilité civile (RC) des administrateurs et des dirigeants d’entreprises.

« Flywire était un cas particulier, parce qu’elle était la seule entité poursuivie. La plupart des entités comptent plusieurs entreprises et assureurs, qui défendent tous leurs intérêts », souligne Mme Revin.

« Habituellement, ces litiges sont réglés devant les tribunaux ou par d’autres professionnels nommés par la cour. De telles mesures entraînent des frais et des délais. »

De plus, la charge de travail des rédacteurs sinistres et des avocats peut retarder le règlement du dossier. Selon Mme Revin, il faut s’attendre à ce que le règlement d’un sinistre en assurance de la responsabilité civile des administrateurs et des dirigeants prenne des années. Les risques liés à la RC des administrateurs et des dirigeants constituent depuis toujours un enjeu pour les entreprises. Toutefois, Mme Revin est d’avis que l’exposition à ces risques augmente d’année en année, tout comme la complexité et la valeur en dollars des litiges.

Libellés de police plus clairs quant aux frais de défense

Il est important de connaître les montants de garantie concernant les frais de défense dans des dossiers d’assurance de la RC des administrateurs et des dirigeants d’entreprises. Pendant longtemps, les frais de défense engagés pour l’assuré dans le cadre d’un sinistre dépassaient les montants de garantie. Par exemple, si le montant de garantie au titre de l’assurance d’une entreprise était de 50 millions de dollars, l’assureur pouvait également avoir à acquitter les frais de défense de toute nature au-delà de ce montant de garantie. Le montant de garantie ne s’appliquait qu’à un sinistre.

« Maintenant, il revient à l’assuré de décider comment il veut répartir les frais de défense, ainsi que d’accepter que ces frais dépassent ou non les montants de garantie », dit Mme Revin.

« Le libellé des polices est maintenant plus clair en ce qui a trait à la responsabilité du contrôle des coûts. »

CS-25-12415_CL-GCS RIMS 2025 Blog Images_Navigating Risk_Chart_FR

* Les chiffres sont indiqués à titre d’exemple seulement.

Composer avec les risques liés à la RC des administrateurs et des dirigeants

Mme Revin a fourni certains conseils pratiques pour gérer les risques liés à la RC des administrateurs et des dirigeants :

  • Se doter de pratiques claires en matière de divulgation et de gouvernance : les assureurs et les assurés doivent savoir précisément comment les sommes [au titre de la police] sont réparties. La gestion des risques par l’entreprise doit être clairement définie, surtout si les risques sont récurrents. L’entreprise doit trouver des moyens d’améliorer la gestion des enjeux récurrents afin d’éviter qu’un sinistre se répète. »
  • Faire un suivi des risques d’insolvabilité et de difficultés financières : veillez à ce que l’entreprise donne des réponses claires sur la façon dont elle améliore les déclarations aux gouvernements et fait le suivi de l’exposition à des risques liés aux difficultés financières ou géopolitiques. »
  • Passer en revue la protection d’assurance de la RC des administrateurs et des dirigeants et l’optimiser : « faites attention aux garanties offertes, notamment aux montants de garantie, et assurez-vous que la police réponde à vos besoins en matière de risque. »
  • Sensibiliser le conseil d’administration à ces enjeux et parler aux membres : « le conseil compte des administrateurs d’expérience qui savent exactement quoi faire dans une telle situation, mais peut-être que bon nombre d’entre eux sont nouveaux. Veillez à trouver une personne qui peut vous conseiller en matière de litiges et de risque. Aussi, repérez toute lacune en matière de connaissances afin d’y remédier. Des simulations doivent avoir lieu sur une base régulière. »

Lorsqu’ils font face à un risque, les administrateurs et les dirigeants doivent se concentrer sur les prévisions et les mesures décisives à prendre. Pour bien atténuer les risques, il faut s’investir dans un plan de gouvernance solide, divulguer l’information en toute transparence aux conseils d’administration et aux investisseurs, ainsi que faire un suivi constant des risques externes, comme les changements de politiques et les difficultés économiques.

En travaillant sur ces pratiques internes, les entreprises sauront satisfaire à leurs obligations en matière d’imputabilité et constituer une base solide pour résister aux chocs que subissent les marchés et aux litiges complexes. Avec une telle stratégie proactive, les entreprises pourront résister face aux risques liés à la RC des administrateurs et des dirigeants.

* : sites en anglais seulement

Lire d'autres articles de ce genre

Les renseignements contenus dans le présent article sont donnés à titre d’information générale seulement. Ils ne sauraient se substituer à l’avis de professionnels ou d’experts. Bien que toutes les mesures aient été prises pour garantir l’exactitude des informations fournies, Aviva décline toute responsabilité quant aux mesures prises en fonction des renseignements contenus dans le présent article. Veuillez communiquer avec votre représentant Aviva pour en savoir davantage.

Sauf indication contraire, les droits d’auteur sur le présent contenu appartiennent à Aviva Canada Inc.; ce contenu ne peut être utilisé, vendu, autorisé sous licence, copié ou reproduit, en tout ou en partie, de quelque manière et sous quelque forme que ce soit dans quelque média et sur quelque support que ce soit sans le consentement écrit préalable d’Aviva Canada Inc.