L’industrie minière a beaucoup à nous apprendre sur les répercussions de changements apportés aux sanctions commerciales sur les chaînes d’approvisionnement, ainsi que sur la façon d’atténuer les risques connexes.
Pascal Tremblay, spécialiste principal en gestion des risques, Solutions de gestion des risques d’Aviva a fait part de stratégies et de solutions aux gestionnaires de risques lors de la conférence RIMS Canada de 2025. Voici quelques-uns des principaux points à retenir pour toutes les entreprises.
Il est crucial de tenir à jour une matrice de risque
Les entreprises de l’industrie minière, comme celles de bon nombre de secteurs, vivent des événements planifiés et non prévisibles qui entraînent des perturbations, notamment des pénuries de main-d’œuvre, des délais dans la chaîne d’approvisionnement, des hausses de coûts et de nouvelles exigences réglementaires. Chaque nouvel obstacle fait évoluer la perception du risque. Il est donc important de réévaluer constamment les seuils de tolérance au risque.
« Les gestionnaires de risque doivent constamment adapter leurs cadres afin de garder une longueur d’avance. L’exposition à des risques précédemment classés comme acceptables peut désormais constituer une menace importante », selon M. Tremblay.
Il faut tenir compte notamment de l’accès à l’équipement et aux fournitures, des conditions actuelles du marché, des vulnérabilités de la chaîne d’approvisionnement et des développements sur le plan géopolitique.
Stratégies pour atténuer les pertes d’exploitation et gérer les risques
Un environnement de risque en constante évolution nécessite une évaluation stratégique et des ajustements. M. Tremblay donne les conseils suivants aux gestionnaires de risque :
- Évaluation des risques liés à la chaîne d’approvisionnement : évaluer les dépendances et les vulnérabilités de la chaîne d’approvisionnement afin d’élaborer des stratégies de gestion des risques sur mesure.
- Examen des listes et des réseaux de fournisseurs critiques : mettre à jour et élargir le réseau de fournisseurs agréés pour les équipements critiques.
- Examen de l’inventaire des pièces de rechange : évaluer les niveaux de stock des composants et des articles consommables critiques.
- Allongement des délais de livraison dans la planification des projets : ajuster les délais d’approvisionnement afin de tenir compte des retards potentiels.
- Validation des plans d’urgence : veiller à ce que les plans de continuité des activités soient à jour afin de refléter les risques actuels liés à la chaîne d’approvisionnement.
Établissement d’un plan d’urgence : l’élément fondamental de la résilience d’une entreprise
Les entreprises disposées à ouvrir de nouvelles portes, à adapter leurs stratégies d’approvisionnement et à agir rapidement pour se diversifier seront les mieux placées pour maintenir leur résilience opérationnelle face à l’incertitude croissante qui règne à l’échelle mondiale.
Il faut notamment prendre conscience de ce qui suit :
- Chaîne d’approvisionnement : principaux fournisseurs, solutions de rechange, délais de livraison critiques
- Clients et partenaires : répercussions possibles, communication en amont
- Contexte mondial : conflits, pandémies, conditions météorologiques extrêmes
M. Tremblay recommande également aux gestionnaires de risque d’organiser des séances interactives de préparation à une situation de crise sur une base annuelle, séances qui donnent lieu à des simulations réalistes, afin d’évaluer la coordination, la rapidité de réaction et l’efficacité du plan d’urgence.
Établissement d’une dynamique positive entre les gestionnaires de risques et le personnel sur place
Les gestionnaires de risque et le personnel sur place font tous partie de la même entreprise, alors que souvent, leur réalité au quotidien n’est pas la même. M. Tremblay souligne qu’il est important de cerner tout conflit potentiel et de le régler de front.
« Souvent, un fossé se creuse entre la vision stratégique et les contraintes opérationnelles. Le personnel des sites à l’échelle locale subit des pressions pour produire davantage et peut avoir l’impression que le siège social ne répond pas entièrement à ses besoins », souligne-t-il.
« Le fait de visiter régulièrement les sites aide à établir un lien de confiance et permet de mieux comprendre ce qui s’y passe. Nous conseillons aux gestionnaires de risque de voir le personnel des sites à l’échelle locale comme un client stratégique ».
De plus, le fait d’entretenir une bonne communication et des liens résilients est avantageux, car il favorise un signalement plus rapide des problèmes. Et plus un problème est signalé rapidement, plus il peut être réglé rapidement sur le plan des assurances ou des capitaux.
Gestion des risques liés aux tarifs en temps réel
Le suivi en amont des tarifs et les simulations contribuent à atténuer de grandes perturbations et à encourager la souplesse dans la prise de décisions. M. Tremblay a présenté l’exemple d’un système créé par une entreprise minière en vue de clarifier la tarification.
Étude d’impact automatisée : un système traite toutes les nouvelles annonces qui concernent les tarifs et estime les répercussions de ceux-ci sur le plan financier pour chaque site et pour l’entreprise dans son ensemble.
« Ce système a été intégré au système comptable de l’entreprise pour que les intervenants comprennent l’effet des tarifs sur les opérations et dans quel secteur ils auront une incidence », indique M. Tremblay.
« Certains grands cabinets comptables offrent ce type de système pour que les entreprises puissent mieux suivre l’incidence des tarifs. »
Suivi des coûts en toute transparence : au lieu d’ajuster le prix de base des marchandises, les tarifs sont comptabilisés comme un poste distinct dans le système de la chaîne d’approvisionnement, ce qui est plus clair, et ce qui permet de les retracer plus facilement.
« La même entreprise minière a mis en place ce système pour s’assurer que les prix ne seraient pas modifiés en raison des tarifs imposés. En l’intégrant à leur système comptable, l’entreprise peut saisir tous les tarifs et en constater les répercussions financières en un coup d’œil. »
Tarifs et réorientation des marchés
Dans toutes les industries sans exception, une hausse des tarifs peut entraîner une perte d’intérêt pour certains marchés. Les entreprises doivent se préparer à vendre leurs produits dans d’autres régions.
Toutefois, même si une telle réorientation peut être avantageuse pour une entreprise, elle peut causer d’importantes pénuries de matières dans le marché initial qui est délaissé. Par exemple, les fabricants de machinerie lourde mobile ont fait face à des hausses de coûts attribuables à des perturbations et à des retards dans la chaîne d’approvisionnement. Les gestionnaires de risque doivent prévoir l’effet négatif des modifications tarifaires sur l’accès au marché et la disponibilité des matières, et en tenir compte dans l’établissement de la stratégie de résilience des opérations.
Pour s’adapter à la nouvelle dynamique dans le commerce mondial et à l’incertitude concernant les chaînes d’approvisionnement, il faut prendre un virage à 180 degrés en vue d’assurer en amont la résilience opérationnelle. L’expérience du secteur minier vient souligner l’importance de liens étroits et fondés sur la communication entre les gestionnaires du risque stratégique et les intervenants sur place pour la survie d’une entreprise. Il faut également intégrer des outils de pointe pour évaluer les risques en temps réel.
En s’investissant dans un environnement de planification continue, de diversification des réseaux de fournisseurs et de suivi financier en toute transparence, les entreprises peuvent faire en sorte que la pression externe et les menaces deviennent des défis gérables, afin, en bout de piste, d’assurer la continuité des activités et de tirer leur épingle du jeu face à la concurrence dans un marché volatil.